La dépendance alimente une relation particulière entre la personne et le plaisir, ainsi qu’avec la facilité d’accès à la source de ce plaisir. Elle devient un moyen de contrôler ou de modérer des émotions autrement insupportables. Dans ce processus, l’élément addictif est perçu comme un instrument pour gérer les émotions, puis progressivement comme une contrainte. Initialement, cet élément peut sembler avantageux, offrant réconfort, structure ou rythme dans la vie quotidienne. Elle peut faussement aider à surmonter les défis quotidiens, offrir un répit temporaire contre l’anxiété ou la tristesse, ou booster l’énergie. Cette première phase peut être déceptive, cachant les effets néfastes qui émergent avec le temps. L’addiction, en s’aggravant, devient centrale dans la vie de la personne en disqualifiant tout autre moyen de traiter les tensions internes (anxiété, stress, somatisations anxieuses variées, etc.) et les émotions de l’addicté, diminuant par ailleurs son efficacité d’apaisement dans différents domaines. À mesure que la dépendance s’intensifie, le contrôle perçu sur l’élément addictif faiblit, entraînant un cycle d’anxiété et de recherche compulsive d’apaisement. Ce cycle est souvent difficile à rompre sans prise de conscience et aide professionnelle et contribue largement à une perte de confiance et d’estime de soi. La dépendance, sous toutes ses formes, peut avoir des impacts dévastateurs non seulement sur la personne concernée, mais aussi sur son entourage, transformant la quête de plaisir en une recherche constante de soulagement, souvent au prix de la santé, des relations et du bien-être global.

LOGIQUE ADDICTIVE ET ADDICTIONS

L’addiction vise principalement à supprimer immédiatement tout stress ou tensions ressentis, qu’il provienne de l’intérieur ou de l’extérieur. Cette tension est liée à des vécus corporels ou émotionnels négatifs et à des états d’excitation, entre autres. Un besoin psychologique sur un registre émotionnel tend alors à être traiter comme s’il appartenait à un registre physique. L’addiction offre une solution à deux niveaux – physique et psychologique – pour gérer le stress mental. Il faut reconnaître que nous avons tous des tendances addictives comme moyen de défense psychologique. Quand les tensions mentales dépassent notre capacité de les gérer, nous pouvons nous tourner vers la nourriture, le tabagisme, l’alcool ou la prise de médicaments ou le soutien relationnel, en quête de soulagement ou d’oubli, même temporaire, entrainant progressivement une contrainte automatisé d’apaisement courcircuitant la capacité de mentaliser et de traiter la tension interne autrement.

Le problème survient donc quand cette stratégie psychologique remplace toutes autres méthodes de gestion de la douleur mentale. Le terme « toxicomanie » est trompeur, suggérant que la dépendance est une tentative de se nuire. Beaucoup de dépendants ont du mal à reconnaître et à distinguer leurs émotions. Prenons l’exemple du tabagisme : fumer peut accompagner une tâche difficile, un moment de joie, de tristesse, d’anxiété ou d’attente. Continuant avec le tabagisme, il peut agir comme un régulateur émotionnel dans différentes situations. Cela montre comment l’addiction peut offrir un équilibre ou un soulagement face à diverses émotions ou situations. Toutefois, ce type de régulation a un coût élevé, menant à une dépendance physique et/ou psychologique, à une santé dégradée, à des relations rompues et à une faible estime de soi. Bien que l’addiction puisse procurer un soulagement temporaire, elle devient souvent une contrainte, limitant la capacité à affronter la vie sainement et de manière constructive. Le cycle addictif s’auto-perpétue, créant une dépendance difficile à briser sans un traitement prolongé.

STRATEGIES D’APAISEMENT ET ADDICTIONS

On peut dire que l’objectif du comportement addictif est d’éliminer rapidement les émotions intenses pour rendre les situations difficiles du quotidien plus tolérables. Les comportements addictifs semblent souvent vitaux quand on est seul, comme si le fait d’être seul pouvait en soi aggraver le mal-être et nécessiter une consolation par l’addiction. Bien que la personne dépendante puisse se sentir piégée par son addiction, son but n’est pas de se faire du mal, mais de trouver un moyen de gérer les déséquilibres émotionnels par la recherche de plaisir.

La dynamique sous-jacente à l’addiction repose sur la contrainte d’évacuer instantanément des émotions telles que l’anxiété, la colère, la culpabilité ou la tristesse qui causent de la souffrance, ou même des émotions initialement positives ou excitantes mais inconsciemment considérées comme interdites ou menaçantes. Une fois la solution addictive trouvée, la personne va systématiquement vers cette échappatoire pour fuir la douleur psychique. Concernant le rôle de l’addiction comme moyen de soulagement, il est important de noter que l’addiction s’intensifie quand elle répond à une douleur psychique antérieure, tentant vainement de guérir ou de réparer des blessures. Chez les individus dépendants, on remarque souvent des anxiétés liées à divers scénarios qui donnent une réalité imaginaire à l’addiction. Par exemple, dans les cas de boulimie, cherche-t-on à se « calmer » ou à se « remplir » ? Contrairement aux traitements par la parole, les solutions addictives échouent car elles tentent de répondre à une carence ou à une souffrance psychique de manière physique plutôt que psychologique, offrant seulement un soulagement temporaire contraignante.

L’addiction, comme mécanisme de défense, vise à minimiser la douleur psychique mais ne fait que reporter le problème, créant une dépendance qui aggrave la souffrance de départ. C’est une régulation émotionnelle infructueuse qui, sans soutien thérapeutique approprié, conduit à une spirale de destruction personnelle et d’isolement. La thérapie cherche à interrompre ce cycle en aidant la personne à traiter ses souffrances, à améliorer sa gestion des émotions et à reconstruire une identité et des relations plus équilibrées et enrichissantes.

CONDITION HUMAINE ET DEPENDANCES

La dépendance est un aspect fondamental de la vie humaine. Dès notre naissance, nous sommes profondément dépendants de notre environnement et restons liés à diverses formes de dépendance, reconnues ou cachées, en raison des normes socioculturelles et des idéaux collectifs qui forment la base de notre société. Nous devons également accepter les pertes imposées par le temps, comme les différentes séparations qui jalonnent notre développement ; passer d’une compréhension maternelle innée de notre langage non verbal à l’usage de la parole, quitter le foyer familial pour explorer le monde extérieur tout en redéfinissant notre proximité avec autrui, apprivoiser notre relation à la solitude et ce qu’elle évoque en nous à différentes étapes de la vie.

En somme, la dépendance est une réalité souvent occultée qui tisse notre existence, ainsi que la lutte constante pour la surmonter. Ceux qui souffrent d’addiction luttent contre des dépendances spécifiques à la nature humaine, mais rencontrent des obstacles empêchant des solutions psychologiquement moins coûteuses, bien que plus longues à mettre en œuvre pour traiter la souffrance mentale. Certains parviennent à reconnaître qu’ils n’ont pas pu exprimer certaines expériences douloureuses ou inimaginables, pour des raisons aussi légitimes que celles les incitant à vouloir s’en libérer. Trouver les mots pour communiquer et traiter ces sentiments est une étape fondamentale pour chaque individu et marque un changement significatif dans sa façon de gérer le manque et, par conséquent, sa relation à la solitude.

Les personnes aux prises avec des comportements addictifs cherchent souvent à combler un vide ou à soulager une douleur, tout en faisant face à la dure réalité de la dépendance. L’exploration et l’expression de ces états internes peuvent mener à une meilleure compréhension de soi et à une transformation possible de la relation à la dépendance. Ce processus de verbalisation et de traitement émotionnel est souvent crucial dans les thérapies destinées à aider les individus dans leur combat contre l’addiction, favorisant une approche plus sereine et intégrée de la dépendance en tant que condition humaine.

En Conclusion..

Pour conclure, l’addiction se révèle être un mécanisme complexe et multidimensionnel, englobant à la fois des aspects physiques et psychologiques dans sa gestion du stress et des émotions. Bien qu’initialement perçue comme une source de soulagement ou d’évasion face aux difficultés du quotidien, elle finit par devenir une contrainte, limitant la capacité des individus à traiter efficacement les tensions internes et à gérer leurs émotions. La dépendance crée un cycle d’anxiété et de recherche compulsive d’apaisement, difficile à briser sans aide professionnelle. Ce cycle, souvent auto-entretenu, conduit à une perte d’estime de soi, à des problèmes de santé et à des relations altérées, transformant la quête initiale de plaisir en une lutte constante pour un soulagement éphémère.

Parallèlement, l’addiction s’inscrit dans le cadre plus large de la condition humaine, reflétant une dépendance fondamentale qui marque notre existence dès la naissance. Cette dépendance, bien que souvent méconnue ou négligée, tisse la trame de nos vies et entraîne une lutte constante pour la surmonter. Les individus aux prises avec l’addiction luttent non seulement contre des dépendances spécifiques mais aussi contre les difficultés inhérentes à l’expérience humaine. Reconnaître et verbaliser ces défis est un pas crucial vers la guérison. En traitant leurs souffrances, en améliorant la gestion de leurs émotions et en reconstruisant des relations plus saines, les individus peuvent transformer leur rapport à la dépendance, ouvrant ainsi la voie à une vie plus équilibrée et épanouie.

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